Conférence de recherche de l’OMD sur la mesure de la performance

07 mars 2012

Conférence de recherche de l’OMD sur la mesure de la performance

Alger, le 5 mars 2012

Discours d’ouverture de Kunio Mikuriya, le Secrétaire général de l’OMD

Monsieur Djoudi, Ministre des Finances,
Excellences,
Mesdames, Mesdemoiselles et Messieurs,

C’est pour moi un grand honneur d’ouvrir, ici à Alger, cette Conférence de recherche sur la mesure de la performance et les usages de la quantification dans les administrations. Il m’est particulièrement agréable de séjourner dans ce magnifique pays à la population si accueillante, surtout en cette année festive au cours de laquelle vous célébrez vos 50 ans d’indépendance. Votre pays est doté d’un riche patrimoine culturel et environnemental, de magnifiques ports naturels, et, dans le désert du Sahara, d’oasis à la beauté spectaculaire. Cela a été magnifiquement saisi par cette photo de douaniers en patrouille dans le désert – photo qui a gagné le concours 2011 de l’OMD – et cela nous invite à nous rappeler l’importance du commerce et le rôle de la douane qui tisse des liens entre les personnes et les cultures par-delà les frontières. De notre côté, l'OMD célèbre son 60ème anniversaire avec le thème de la connectivité et j'ai choisi cette photo pour symboliser ce thème au cours de cette année.

Je voudrais en tout premier lieu exprimer ma profonde gratitude à Monsieur Mohamed Abdou Bouderbala, le Directeur général de l’Administration des douanes algérienne, pour sa détermination à moderniser son Administration suivant une politique qui s’inscrit parfaitement dans les normes et les programmes préconisés par l’OMD. Ses initiatives récentes renforcent le professionnalisme des douaniers et intensifient le partenariat avec le secteur privé pour faciliter les échanges. Enfin, plus particulièrement pour l’événement qui nous concerne aujourd’hui, le Directeur général et ses collaborateurs ont réalisé un travail remarquable en accueillant cette Conférence, car ils en ont appréhendé toute la pertinence dans le cadre de processus de réforme.

Je souhaite également remercier tous les donateurs de cette Conférence. Sans leur contribution, cette Conférence n’aurait pu avoir lieu et bon nombre d’entre nous n’auraient pas été en mesure d’y participer. C’est pourquoi je voudrais remercier personnellement, pour leur aide, les Administrations des douanes algérienne, française et coréenne, ainsi que les bailleurs de fonds tels que la Banque mondiale, la Banque islamique de développement et la coopération suédoise.

Je voudrais également remercier tous les participants, qui viennent des 6régions de l’OMD. Cette diversité témoigne du vif intérêt que les praticiens et les chercheurs portent à ce sujet spécifique de la quantification. Cela constitue la démonstration du fort potentiel de la quantification et de ses utilisations dans le domaine des douanes. Je me réjouis tout particulièrement de constater que de nombreuses disciplines sont représentées, telles que la sociologie, l’anthropologie, l’économie et les sciences politiques.

Alors que les douanes au 21èmesiècle empruntent la voie d’un professionnalisme reposant sur les connaissances, je suis fermement convaincu qu’il nous incombe de développer une recherche fondée sur des approches empiriques et dans le cadre d’un partenariat fort avec les chercheurs, pour améliorer la performance des douanes.

Dans un tel contexte, je suis particulièrement heureux d’apprendre que les douanes algériennes ont conclu un accord de partenariat avec le Centre de Recherche en Economie Appliquée pour le Développement, ou CREAD, un centre national spécialisé en économie. Je félicite à la fois le Directeur du CREAD et Monsieur Bouderbala pour cette initiative originale et fructueuse dont nous assurerons la promotion au sein de la Communauté douanière internationale. Hier, j'ai aussi visité l'Ecole Supérieure Algérienne des Affaires ou ESAA qui souhaite de développer un programme de master en douane et j'ai pu constater beaucoup de potentiel pour l'avenir.
Mesure

L’idée maîtresse de la présente Conférence est que les « Expérimentations », qui ont recours à la «mesure», «l’exploration des données» et «l’analyse quantitative» peuvent s’avérer utiles pour formuler et mettre en œuvre des politiques de réforme et de modernisation au sein des administrations douanières et fiscales.

Bon nombre de raisons stratégiques expliquent l’importance de la mesure dans le domaine douanier. Premièrement, la mesure permet à la douane d’identifier les goulets d’étranglement dans les procédures frontalières et d’établir un seuil quantitatif à partir duquel on peut estimer les effets et les améliorations apportées par les réformes. Dans le monde des douanes, l’exemple le plus connu est celui de la mesure du temps nécessaire au dédouanement. La Banque mondiale dispose à cet égard des indicateurs « Doing Business » et « Logistics Performance», ces deuxméthodes permettant d’effectuer des comparaisons des délais de dédouanement, reposant sur la perception qu’en ont les milieux du commerce.

Le Guide de l’OMD sur l’étude du temps de mainlevée est un outil qui aide la douane à recueillir des informations objectives et quantitatives sur chaque phase de la mainlevée. Cela permet de mesurer l’efficacité de la douane, des autres autorités frontalières et des prestataires de service. L’OMD recommande que, à la suite de ces mesures, tous les acteurs se rencontrent pour élaborer un Plan d’action qui permette à chacun d’améliorer ses performances. Cette méthode est largement reconnue comme un outil puissant pour faciliter les échanges et les investissements, et renforcer ainsi la compétitivité d’un pays. Permettez-moi d’ajouter qu’au moment où l’Union africaine souhaite promouvoir le commerce intra-africain, l’OMD a révisé son Guide l’année dernière pour mesurer l’efficacité d’un corridor de commerce reliant un pays de transit et un pays sans littoral. Une telle opération se déroule actuellement en Afrique de l’Est.

Deuxièmement, la quantification permet à la douane de concentrer ses ressources sur les risques les plus importants.

Les douanes sont les mieux placées pour identifier et traiter les risques évolutifs et émergents aux frontières. Lors de sa récente session, la Commission de politique générale de l’OMD a discuté des cinqdomaines de risques en matière de lutte contre la fraude, à savoir les recettes, le trafic de drogues, la contrefaçon, le piratage et les autres risques en matière de santé et de sûreté, la sécurité et l’environnement. Avec la mise en place des technologies de l’information et de la communication, les douanes devraient être en mesure de recueillir efficacement des données. La gestion et l’utilisation de données pour détecter et analyser les risques sont devenues la tâche majeure des douanes au 21ème siècle. Cette Conférence présentera des exemples concrets illustrant tout le potentiel de la quantification dans ce domaine.

La meilleure gestion des ressources n’est pas uniquement liée à la gestion des risques. La quantification aide à la décision pour élaborer les stratégies de déploiement sur le terrain. De nombreuses administrations mettent au point des plans stratégiques assortis d’indicateurs mesurables sur les tâches à réaliser et sur les résultats attendus. Lors de sa récente session, le Comité du renforcement des capacités de l’OMD a discuté de la mesure de la performance, en prenant l’exemple des douanes françaises. La présence d’un représentant des douanes françaises à cette Conférence nous permettra d’approfondir l’évaluation de leur approche. L’un des défis concerne la différence entre les résultats issus de la répartition des ressources et leur incidence sur les objectifs politiques. Certaines administrations ont franchi un pas supplémentaire en concluant avec le gouvernement des Contrats de performance assortis d’indicateurs mesurables.

Troisièmement, la mesure permet également aux douanes de rompre l’asymétrie entre les informations dont dispose le Directeur général et celle dont disposent les douaniers de terrain. Il s’agit d’un exemple caractéristique du modèle principal-agent. Ainsi le Directeur général peut assurer l'efficacité des opérations douanières et avec les procédures simplifiées, réduire des opportunités d’interactions non nécessaires entre des douaniers et le milieu commercial et donc celles de la corruption.

A cet égard, l’expérience des contrats de performance entre le Directeur général des douanes du Cameroun et les douaniers de première ligne a été un grand succès. Les douanes camerounaises ont augmenté les recettes recouvrées, elles ont amélioré la facilitation des échanges et diminué la corruption. Cette démarche de modernisation est maintenant mise en œuvre par d’autres pays.

Quatrièmement, la quantification aide l’administration des douanes à mieux communiquer le progrès et les résultats de réforme à l'intérieur et à l'extérieur. La communication intérieure, appuyée par des résultats concrets, est un outil puissant pour motiver des douaniers et la communication extérieure peut acquérir le support politique de la part du gouvernement et le milieu du commerce qui peut apporter le soutien et la coopération à la modernisation des douanes. Comme nous le savons tous, dans le domaine de l’assistance au développement et du renforcement des capacités, les expérimentations recourant à la mesure ont pris de l’ampleur durant ces dernières années. Cela s’explique, en partie, par le fait que les donateurs posent comme condition de l’assistance au développement la mise en place d’une évaluation d’impact.

Il s’agit d’un élément clé de la Déclaration de Paris de 2005 sur l’efficacité de l’aide qui demande des « résultats mesurables». Lors du troisième Examen global de l’Aide pour le commerce qui a eu lieu à l’OMC en juillet dernier, les discussions ont porté sur la mesure effective des effets de l’Aide pour le commerce, ce sujet étant très complexe. A cet égard, le fait que le Président de la Banque mondiale mentionne l’expérience des contrats de performance au Cameroun comme un exemple concret d’une réussite en matière de résultats mesurables m’a particulièrement encouragé. C’est aux dirigeants politiques et techniques du Cameroun qu’en revient tout le mérite. Je suis ravi d’ailleurs de constater que plusieurs représentants des douanes camerounaises présenteront leurs recherches lors de la présente Conférence.

Les démarches qualitatives sont également utiles

Pour quantifier, les données à disposition doivent être ciblées et pertinentes. Néanmoins, nous devons nous garder d’un excès de données. C’est ainsi que les contrats de performance au Cameroun se sont limités à 8 indicateurs de performance. Ainsi, ces indicateurs ont une vraie valeur. Il est bien connu qu’une mesure sélectionnée doit être valable, fiable et sensible pour que les évaluations d’impact soient crédibles. Sinon elle peut produire des estimations trompeuses.

Bien entendu, la quantification n’est pas la seule démarche efficace permettant d’améliorer le recueil et l’analyse de données. Les informations qualitatives, pour autant qu’elles soient suffisamment étayées, participent d’une appréhension plus fine de la réalité. Je veux dire par là que des entretiens approfondis avec les parties prenantes disposées à fournir des informations précises et complètes peuvent utilement compléter les informations quantitatives.

Conclusion

En conclusion, j’attends avec intérêt les résultats et les conclusions de la présente Conférence. Elle sera, j’en ai la conviction, riche d’enseignements pour tous, et ses résultats permettront de mieux envisager les solutions pour réformer et moderniser les administrations douanières et fiscales.