Les 12 et 13 octobre 2022, l'Organisation mondiale des douanes (OMD) et le Groupe Egmont (GE) ont organisé conjointement la Conférence de Budapest : un atelier mondial sur la lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme (LBC/FT) visant à renforcer l'engagement des autorités douanières et des cellules de renseignement financier (CRF).
La conférence a mis en évidence la menace croissante que représentent les organisations criminelles transnationales (OCT) et les organisations terroristes pour la sécurité régionale et mondiale ainsi que pour l'intégrité du système commercial mondial et du secteur financier.
Les OCT continuent d'exploiter la croissance du commerce mondial. La rapidité accrue des transports, des transferts d'argent et des technologies nouvelles et innovantes leur offre un éventail de plus en plus large de mécanismes pour poursuivre et renforcer leurs activités illicites. L'ONUDC estime qu'entre 2 et 5 % du PIB mondial est blanchi chaque année, soit l'équivalent de 800 à 2 000 milliards de dollars américains. Global Financial Integrity estime que l'industrie du trafic de stupéfiants génère entre 426 et 652 milliards de dollars de revenus illicites par an et que les violations des droits de propriété intellectuelle génèrent entre 913 et 1,13 trillion de dollars de profits illicites par an.
Les administrations douanières du monde entier sont en première ligne en ce qui concerne les efforts d'application de la loi visant à identifier, intercepter et démanteler les activités criminelles et terroristes qui exploitent les frontières internationales. L'OMD est reconnue au niveau international comme la principale autorité normative pour toutes les questions douanières. Elle est également un centre d'expertise reconnu dans la lutte contre les activités criminelles dans le domaine douanier. Les administrations douanières sont des gardiennes essentielles non seulement pour la sécurité nationale mais aussi pour la sécurité régionale et mondiale. Les douanes assurent une surveillance essentielle de la circulation des marchandises, des personnes, de l'argent et des moyens de transport.
De par ces responsabilités, les douanes sont une composante essentielle de la sécurité nationale de chaque nation, car elles sont souvent les autorités qui identifient et saisissent les marchandises illicites, les stupéfiants et les armes passés en contrebande à travers les frontières internationales, ainsi que les devises illicites et leurs équivalents.
Les revenus et les dons illicites destinés aux organisations terroristes mondiales sont leur source de revenus. Les organisations terroristes font régulièrement passer en contrebande des devises et des équivalents monétaires à travers les frontières internationales pour promouvoir leurs programmes meurtriers et destructeurs. Elles se livrent également à des activités de contrebande illicite afin de générer des revenus pour les soutenir et les promouvoir. Les revenus générés par les OCT leur permettent de poursuivre leurs entreprises criminelles au détriment de la société. Leurs produits illicites leur permettent de maintenir les structures internes de leurs organisations, qu'il s'agisse du paiement des salaires de leurs membres, du versement de pots-de-vin à des agents publics, de l'achat d'équipements, de véhicules et de produits qui permettent à leur chaîne d'approvisionnement illicite de rester opérationnelle ou de l'investissement dans les infrastructures pour accroître l'ampleur de leurs activités illicites.
Certaines OCT et organisations terroristes utilisent des mécanismes complexes de blanchiment de capitaux pour blanchir des fonds illicites. Il s'agit notamment du blanchiment de capitaux par le commerce (BCC), une forme complexe de blanchiment de capitaux qui consiste à convertir les produits d'origine illicite en produits commerciaux qui sont ensuite introduits dans le commerce mondial. Le BCC est utilisé pour donner une apparence de légitimité à l'argent et masquer ses mouvements à travers les frontières internationales. Le blanchiment de capitaux implique souvent le mélange et la superposition de produits illicites et d'argent légitime dans un réseau complexe de transactions financières par des voies bancaires et non bancaires. Les douanes et les CRF sont les autorités les mieux placées pour identifier et combattre ces activités criminelles néfastes et complexes. Les douanes sont traditionnellement l'autorité responsable de la surveillance du BCC, de la fraude commerciale, des systèmes de fausse facturation et des rapports de transport international de devises.
Les CRF surveillent les transactions suspectes et les transactions en espèces à grande échelle au sein des secteurs financiers nationaux et des DNFBP (entreprises et professions non financières désignées) sur une base nationale. Le Groupe Egmont des CRF est l'organisation qui supervise toutes les CRF du monde entier. Le Groupe Egmont est chargé d'orienter stratégiquement les CRF et leurs efforts opérationnels afin de mettre en commun la force collective des CRF dans la lutte contre certaines menaces de blanchiment de capitaux et de financement du terrorisme. Les CRF surveillent les opérations suspectes dans le secteur financier et non financier, incluant entre autres : les déclarations d'opérations douteuses (DOD), les déclarations d'opérations sur devises, les déclarations de casino et les virements transfrontaliers. Les renseignements récoltés lors de l'examen de ces mécanismes de déclaration de soupçons sont d'une valeur inestimable pour les organismes d'application de la loi et les procureurs lorsqu'il s'agit d'identifier et de neutraliser des organisations criminelles et terroristes.
La plus grande force du Groupe Egmont est la capacité de ses membres à échanger rapidement et efficacement des renseignements financiers opérationnels et stratégiques, tant au niveau bilatéral que multilatéral. Les CRF membres du Groupe Egmont travaillent ensemble pour identifier les risques actuels de blanchiment de capitaux et de financement du terrorisme ainsi que les modes opératoires. De plus, dans le cadre de son plan stratégique, le Groupe Egmont s'attache à renforcer sa coopération avec les partenaires internationaux concernés, tels que l'OMD.
À cet égard, une coopération étroite entre les douanes et les CRF au niveau national et entre l'OMD et le Groupe Egmont au niveau international, en ce qui concerne la lutte contre le blanchiment de capitaux dans le domaine douanier, est essentielle et efficace pour combattre la criminalité transnationale organisée et le terrorisme.
La conférence a également montré l'importance des efforts conjoints des services d'application de la loi et des CRF pour identifier la conversion des produits illicites en envois commerciaux internationaux. Cela conduit souvent à des enquêtes actives permettant de déterminer et de poursuivre les infractions principales de blanchiment de capitaux.
Les participants ont discuté du fait que la prévalence de la contrebande de devises, d'or et de métaux précieux n'a pas diminué au cours de la dernière décennie en raison de l'avènement et de la prolifération des actifs virtuels dans l'économie mondiale. Bien que les douanes et les CRF doivent s'efforcer d'identifier les activités de blanchiment de capitaux et de financement du terrorisme impliquant des monnaies virtuelles, elles ne doivent pas perdre de vue la contrebande de devises et de métaux précieux. La monnaie reste un moyen privilégié par de nombreuses organisations criminelles pour faire passer en fraude leurs gains mal acquis.
Les participants ont reconnu que les nouvelles méthodes de paiement, telles que les actifs virtuels, continueront à prendre de l'importance en termes de transactions dans le commerce international. Les services d'application de la loi devraient donc accorder une priorité renouvelée et continue au blanchiment de capitaux dans ce secteur. Les services douaniers et les CRF devraient également se concentrer davantage sur l'utilisation abusive des actifs virtuels à des fins de blanchiment et dispenser une formation dans ce domaine.
Enfin, les participants à la conférence ont également reconnu que le Manuel de coopération entre les douanes et les CRF (MCDC) est un outil essentiel pour renforcer la collaboration entre les douanes et les CRF dans le monde entier. Il s'agit d'un outil essentiel permettant aux autorités douanières de cibler les activités de blanchiment de capitaux, telles que la contrebande d'espèces en vrac, la contrebande d'équivalents monétaires, de pierres précieuses et de métaux précieux, ainsi que le blanchiment d'argent sale. En outre, le MCDC est un guide essentiel pour aider les autorités douanières et les autres autorités chargées de la lutte contre le blanchiment de capitaux à identifier, interdire, saisir, confisquer et approfondir les enquêtes sur le blanchiment de capitaux, ainsi qu'à promouvoir la participation des CRF aux efforts de collaboration pour lutter contre ce phénomène. Les deux organisations envisageront d'élargir le MCDC en 2023 en y ajoutant une section sur la lutte contre le financement du terrorisme.