L’Organisation mondiale des douanes (OMD) a organisé, en coopération avec le Service des douanes nigérian, une Conférence mondiale sur le thème « Habiliter la douane aux frontières fragiles et dans les zones de conflit », à Abuja, au Nigeria. L'événement, qui s’est déroulé du 31 janvier au 2 février 2023, a réuni plus de 100 représentants d’administrations douanières de plus de 40 pays. Il s’est agi de débattre du rôle des douanes dans les situations de fragilité et de conflit aux frontières, ainsi que de la manière dont l’OMD peut appuyer ses Membres afin qu’ils puissent définir leurs propres stratégies face à ces environnements complexes. Les participants ont été rejoints par diverses agences des Nations Unies ainsi que par plusieurs donateurs.
Les frontières fragiles sont des zones où les services de l’État, en particulier les douanes, ne peuvent fonctionner adéquatement à cause de l’insécurité causée par la présence de groupes armés non étatiques. L’insécurité et les perturbations dans le fonctionnement de l’administration de l’État portent préjudice à l’économie aux frontières et aux moyens de subsistance des communautés vivant dans les zones frontalières. La Conférence a mis l’accent sur les similitudes qui existent entre différentes régions touchées par le phénomène des frontières fragiles : le rôle purement symbolique des frontières et les ressources économiques des communautés locales, la contrebande qui devient partie intégrante des activités sociales, le lien entre la contrebande et les activités minières ainsi que les taxes informelles qu'imposent les groupes armés non étatiques, comme les groupes terroristes, les gangs criminels ou encore les guérillas, aux négociants et aux flux de marchandises transfrontaliers.
Dans son discours d’ouverture, le Secrétaire général de l’OMD, Kunio Mikuriya, a rappelé aux participants que l’objectif de la Conférence était de traduire les travaux de recherche lancés sur le terrain par l’OMD en 2016 dans plus de 14 pays en un plan d’action concret qui puisse servir à tous les Membres en situation de fragilité des frontières ou de conflit. « Notre but est d’affiner notre analyse et d’alimenter le Plan d’action sur les frontières fragiles afin qu’il puisse orienter les activités de l’OMD au cours des prochaines années dans ce domaine », a-t-il déclaré.
Le Général Hameed Ibrahim Ali, Contrôleur des Services douaniers du Nigéria, a également souhaité la bienvenue aux délégués et expliqué que « les situations de fragilité exigent de procéder à une analyse du rôle de la douane dans les politiques nationales de sécurité, de renforcer les capacités de la douane et les outils mis à sa disposition, ainsi que d’élaborer des stratégies pour habiliter la douane à agir en coordination avec les agences gouvernementales dans la gestion efficace des situations de fragilité et de conflit aux frontières ».
Il a été suivi par le vice-président du Nigéria, le professeur Yemi Osinbajo, qui a souligné que « les frontières fragiles n’aggravent pas seulement les conflits, elles privent les États de revenus cruciaux qui pourraient résoudre certains des problèmes sociaux qui contribuent aux conflits. Il est évident, compte tenu du grand nombre de frontières fragiles et de la convergence des questions fiscales et de sécurité à ces frontières, que les gouvernements doivent redéfinir le rôle de la douane pour qu’elle soit correctement intégrée dans les dispositifs sécuritaires. »
La Conférence a été l’occasion d’enrichir les débats politiques sur les frontières fragiles et d’aborder la question sous l’angle des douanes, de la lutte contre le terrorisme, de l’aide humanitaire mais aussi économique, et d’élargir cette notion, telle qu’elle a été traitée par l’OMD jusqu’à présent, tant sur le plan géographique et que conceptuel.
Plusieurs administrations ont présenté les défis auxquels elles étaient confrontées et les stratégies qu’elles ont adoptées en temps de guerre ou lorsqu’elles sont menacées par des groupes terroristes, des organisations criminelles ou encore des guérillas. Elles ont notamment évoqué la réaffectation des effectifs, la mise en place de mécanismes de coopération au niveau local et national avec les forces de sécurité, et le maintien de leurs relations avec les négociants dans les zones fragiles.
La Conférence a également été l’occasion pour les experts nationaux des administrations douanières touchées par le problème des frontières fragiles ou en situation de conflit d'échanger des idées sur les arrangements techniques, les équipements et les méthodes qui peuvent être déployés dans ces circonstances spécifiques. Ils se sont spécifiquement concentrés sur les arrangements institutionnels et les régimes de coopération interservices, comme la création d’équipes d’information et du renseignement multi-institutionnelles, la coopération avec les forces armées pour assurer les patrouilles douanières, l’adaptation de la fiscalité en fonction du contexte, la mise sur pied d’équipes d’intervention interservices et la création de centres de fusion qui réunissent plusieurs agences afin qu’elles puissent agir en tant que principales unités unifiées chargées de la sécurité aux frontières. Les participants ont également souligné qu’il était important d'établir des procédures et des arrangements en vue d’améliorer la coordination entre les administrations des douanes et les acteurs humanitaires dans des situations de fragilité des frontières et d’urgence complexes.
Ils ont ensuite passé en revue les équipements et technologies utilisés par la douane tels que les systèmes de véhicules aériens sans pilote (drones) pour la surveillance des mouvements des personnes et des moyens de transport, les images satellite pour optimiser la gestion des frontières terrestres ou maritimes, ou encore le géoportail COLIBRI de l’OMD pour aider les agents de terrain à lutter contre le trafic de drogues dans l’aviation. Le recours au renseignement géospatial aide plus généralement les administrations douanières à ajouter une perspective géographique à leurs stratégies et à leurs tactiques. L’Agence spatiale européenne et le centre satellitaire de l’ONU, UNOSAT, ont montré comment l’imagerie satellitaire peut aider la douane à détecter les échanges économiques suspects aux frontières ainsi que les pistes et chemins secrets empruntés par les contrebandiers dans le désert.
Plusieurs administrations douanières ont partagé leurs politiques et leurs pratiques en matière de formation des douaniers travaillant aux frontières fragiles. Il serait utile d’adapter les formations spécifiquement au contexte des zones frontalières instables pour permettre aux douanes d’agir de concert avec les forces de sécurité et de défense. De plus, les participants ont souligné que les formations conjointes des douanes et des forces de sécurité intérieure s’avèrent particulièrement efficaces pour créer une plus grande confiance entre elles et accroître la coopération sur le terrain entre les douanes et les autres services déployés aux frontières comme l’armée, la police, la police des eaux et la police des forêts.
Enfin, les délégués ont procédé à un échange de vues sur le projet de Plan d’action de l’OMD sur les situations de fragilité et conflit aux frontières et ont débattu de la manière dont les donateurs peuvent appuyer efficacement les douanes travaillant dans ces circonstances. Le Plan d’action vise à adapter les instruments, outils et programmes de formation existants de l’OMD, à élaborer de nouvelles orientations, outils et formations spécifiques en lien avec les frontières fragiles et les situations de conflit et à mener des travaux de recherche sur la question des douanes aux frontières fragiles compte tenu des nouveaux cas de figure présentés durant la Conférence.