Dans le cadre de notre série sur les Femmes en douane de l’OMD, nous avons eu le plaisir de nous entretenir avec Constanze Voβ, haute fonctionnaire de l'Administration des douanes allemandes, qui a réussi à se frayer un chemin en douane en occupant diverses fonctions et en relevant de nombreux défis tout au long de sa carrière. Que ce soit au début de son parcours professionnel, en tant que jeune juriste à la recherche de nouvelles possibilités, ou à son poste actuel de responsable du contrôle financier du travail non déclaré en Allemagne, Constanze a su faire preuve de résilience, d’une capacité avérée d’adaptation et d’un sens du leadership.
Dans cet entretien, elle revient sur sa carrière, partage les enseignements qu'elle a tirés en cours de route et offre quelques conseils aux jeunes femmes qui aspirent à se faire une place en douane et dans le monde professionnel plus généralement.
OMD : Constanze, merci de nous avoir rejoints aujourd'hui. Pouvez-vous nous raconter d'où vous venez et comment vous en êtes arrivée à travailler pour la douane ?
Constanze Voβ : J'ai passé toute mon enfance près de Stuttgart, une belle ville située dans le sud-ouest du pays. Plus tard, j’ai commencé des études de droit, ce qui m’a amenée à vivre dans plusieurs autres villes d’Allemagne. J’ai obtenu mon diplôme mais j'avais du mal à trouver un emploi d’avocate dans le sens traditionnel du terme, par exemple en tant que juge ou procureure. À cette époque, l'Allemagne comptait beaucoup trop de jeunes juristes et j'ai donc dû faire preuve de créativité dans mon choix de carrière.
Je suis tombée sur une offre d'emploi pour les douanes allemandes et même si cela ne faisait pas partie de mes plans initiaux, j'ai voulu en savoir plus. Le domaine des douanes semblait être un point de convergence unique entre le droit, le commerce et les relations internationales. Avec le recul, je me dis que c’est par pur hasard que j’ai fini par postuler, mais ce sont parfois les chemins les plus inattendus qui mènent aux carrières les plus épanouissantes.
OMD : Quel a été votre premier poste au sein des douanes allemandes et comment vous êtes-vous adaptée à ce nouvel environnement ?
Constanze Voβ : J’ai commencé comme cheffe de la division des frontières à la frontière germano-suisse. Je dirigeais des équipes de gardes-frontières sur un tronçon de 340 kilomètres et je devais donc superviser un vaste domaine opérationnel avec une dimension internationale et, dans une certaine mesure, une dimension politique aussi. Pour quelqu'un ayant comme moi une formation juridique, le changement était énorme et il a fallu s’adapter. J'ai dû me familiariser rapidement avec les régimes douaniers, le contrôle des frontières et la gestion de la sécurité.
De plus, on m'a laissé entendre que l'un des plus grands défis pour moi serait le fait qu'à l'époque, le monde des douanes était dominé par des hommes. En tant que femme entrant dans cet environnement, j’entendais souvent que je devais m'affirmer, d’autant que l’administration comptait peu de femmes en position de leadership. Mais, au bout d'un certain temps, j'ai compris que, quel que soit le sexe, les aptitudes essentielles pour réussir étaient la compétence et la communication. J'ai compris que je gagnais la confiance et le respect de mes collègues en étant à la fois bien informée, accessible et empathique.
OMD : Vous avez dit qu'au début de votre carrière douanière, on vous répétait souvent que le monde des douanes était dominé par des hommes. Comment avez-vous géré cette situation et quels changements avez-vous constatés au fil du temps ?
Constanze Voβ : Oui, lorsque je suis entrée dans le monde des douanes, celui-ci était, en effet, essentiellement dominé par des hommes, en particulier au niveau des postes de direction. Il est vrai qu’au début, je me suis parfois sentie obligée de travailler plus dur pour faire mes preuves, non seulement parce que je venais d’arriver mais aussi parce que j’étais une femme dans un milieu majoritairement masculin.
Par contre, j’avoue que, bien que mes débuts dans l'administration douanière aient été difficiles à bien des égards, j'ai toujours été soutenue, épaulée et encouragée. Je n'ai jamais eu l'impression que le fait d'être une femme constituait un désavantage dans ma fonction de gestionnaire. Mon problème était plutôt une question de confiance en moi : j'ai compris que je devais me forcer à prendre ma place, à m'exprimer et à prouver que ma contribution était tout aussi précieuse que celle des autres. Au fil du temps, je me suis rendu compte que j'apportais aussi certains atouts dans l’exercice de mes fonctions, notamment en matière de communication et de leadership.
L'intelligence émotionnelle est un domaine de la communication et du leadership où j'ai découvert que je pouvais faire une réelle différence. L’expérience m’a montré qu’il est parfois plus facile pour les femmes de faire preuve d'une sensibilité différente au niveau de la dynamique interpersonnelle, ce qui peut s'avérer crucial en matière de leadership. Qu'il s'agisse de gérer des conflits ou de motiver les équipes, le fait d'être capable de communiquer avec les gens à un niveau plus profond m'a aidée à établir des relations solides de confiance avec mes collègues. Cette aptitude est particulièrement importante dans un domaine où l'on a besoin d'une équipe totalement alignée sur la mission.
OMD : Comment les douanes allemandes ont-elles évolué dans le sens d'une plus grande diversité et comment soutiennent-elles l'évolution de carrière des femmes ?
Constanze Voβ : Les douanes allemandes ont considérablement avancé dans la promotion de la diversité et nous voyons aujourd'hui davantage de femmes à des postes de direction. Je pense que l'administration a compris que l'égalité des sexes n'est pas qu'une question de chiffres ; il s'agit de tirer parti d'une diversité de contenus, de points de vue et de compétences. Aujourd'hui, l'organisation cherche activement à recruter des femmes et à mettre en avant les opportunités qui leur sont offertes au sein des douanes.
Pour soutenir tout particulièrement les femmes, et les hommes aussi, soit dit en passant; l'administration des douanes allemandes offre notamment une certaine flexibilité. La douane a une politique de rotation du personnel, qui permet aux effectifs de progresser dans leur carrière, mais vous pouvez également choisir de conserver votre emploi actuel et de rester là où vous vivez si votre situation familiale l'exige.
L'administration douanière allemande s'engage également à favoriser l'équilibre entre vie professionnelle et vie privée, ce qui m'a été très utile car je suis mère de famille. C'est un milieu très favorable à tous les employés qui souhaitent mener de front leur carrière et leur vie familiale.
OMD : Vous avez eu une carrière très diversifiée, allant de la gestion des frontières aux ressources humaines, et vous êtes aujourd'hui responsable du contrôle financier du travail non déclaré. Quels sont, selon vous, les principaux facteurs de réussite dans des fonctions aussi variées ?
Constanze Voβ : Le secret, c'est d’avoir la faculté de s'adapter. Tous les postes que j'ai occupés étaient complètement différents les uns des autres et chacun comportait son lot de défis. Après mon affectation à la frontière suisse, par exemple, je suis passée au service des achats, puis à l'unité d'audit interne, et j'ai donc travaillé dans des domaines qui n’avaient plus rien à voir avec la gestion des frontières. Mais c'est cette diversité qui a rendu ma carrière intéressante et enrichissante.
Chaque nouvelle fonction m'a obligée à sortir de ma zone de confort et c'est précisément grâce à cela que l'on évolue. Il n'est pas toujours possible de tout savoir avant d'occuper un nouveau poste, mais il faut être prête à apprendre, à poser des questions et à faire confiance à sa capacité d'adaptation. Les douanes sont une grande organisation composée de nombreuses directions différentes, surtout en Allemagne où la douane s’occupe également de certaines tâches qui ne sont pas liées à son domaine de compétence traditionnel. J’en veux pour preuve mon travail actuel en tant que cheffe de la direction du contrôle financier du travail non déclaré. La douane vous offre donc toujours des possibilités de vous remettre en question et de développer vos compétences.
OMD : Quels conseils donneriez-vous aux jeunes femmes qui se lancent dans une carrière en douane ou dans tout autre domaine ?
Constanze Voβ : Je leur dirais d’être courageuses et d’avoir confiance en leurs capacités. Il ne faut pas avoir peur d'essayer de nouvelles choses ou d'assumer des fonctions qui peuvent sembler intimidantes de prime abord. Les douanes offrent un large éventail de possibilités et, parfois, les postes les plus gratifiants sont ceux où l'on ne se voyait pas au départ.
Le plus important est de rester fidèle à soi-même. Il est facile de se sentir obligée d'entrer dans un certain moule, mais c'est l'authenticité qui permet de se démarquer. Je leur dirais aussi de ne pas sous-estimer la valeur de l'apprentissage continu, tant sur le plan professionnel que personnel. De rechercher les occasions de développer leurs compétences, de se remettre en question et de ne jamais cesser de se perfectionner. Aujourd'hui, les femmes ont plus de possibilités que jamais dans le secteur des douanes. Il ne tient qu'à elles d'en profiter.
OMD : Quelle est votre approche du leadership ? Pouvez-vous nous expliquer pourquoi il est si important ?
Constanze Voβ : Mon approche du leadership repose sur un certain sens du plaisir car je pense qu'il est essentiel d'apporter une énergie positive et un sentiment de satisfaction dans son travail, en particulier au niveau du leadership. Il ne s'agit pas seulement de faire le travail, mais de créer un environnement où les gens se sentent motivés et investis. Si, en tant que leader, vous parvenez à insuffler de l'enthousiasme et un sentiment de satisfaction dans ce que vous faites, cette énergie est contagieuse.
J'ai constaté que, même dans les fonctions les plus difficiles, il y a toujours de la place pour la bonne humeur. En fait, certaines de mes fonctions les plus difficiles se sont révélées être les plus gratifiantes parce que j'ai réussi à maintenir un équilibre entre le travail et le plaisir. Cet équilibre vous aide à relativiser les choses et encourage les personnes qui vous entourent à rester motivées elles aussi. Le plaisir et la satisfaction ne signifient pas qu'il faut prendre le travail à la légère mais qu'il faut créer un espace où les gens aiment leur travail et sont fiers de ce qu'ils accomplissent.
OMD : Pour finir, qu'est-ce que vous trouvez le plus gratifiant dans votre travail au sein des douanes ?
Constanze Voβ : Pour moi, l'aspect le plus gratifiant du travail en douane est le sentiment d'utilité qu'il peut procurer. En Allemagne, les douanes ne se bornent pas à assurer la sécurité du commerce et des frontières. Alors, bien sûr, elles doivent veiller à protéger le public et à garantir la fluidité de la circulation des marchandises, puisque tout cela a un effet sur notre vie de tous les jours. Mais, en raison du large éventail d'activités à couvrir qui ne sont pas spécifiquement de nature douanière, les douanes allemandes offrent bien plus de choses qu’il n’y paraît : elles sont une grande organisation dotée d'un sens unique de l'unité et avec des objectifs partagés, une communication ouverte, une interaction respectueuse avec les clients ainsi que des valeurs sociales et humaines.
En tant qu’administration, les douanes allemandes sont également très soucieuses de l'aspect social. L'accent est mis sur l'équilibre entre vie professionnelle et vie privée et sur le développement personnel. C’est d’ailleurs ce qui m'a permis de concilier ma carrière et ma vie de famille. Il est rare de trouver une organisation qui offre à la fois des défis professionnels et un système de soutien aussi solide, et c'est ce qui fait qu'il est si gratifiant de faire partie de la famille des douanes allemandes.