Les Femmes en Douanes 2024 - Entretien avec Gael Grooby

Directrice par intérim de la Direction Affaires tarifaires et commerciales de l’Organisation mondiale des douanes

Gael Grooby

À l’occasion de la Journée internationale des femmes, et dans le cadre d’une campagne visant à valoriser les femmes au sein des douanes, lancée le 4 mars 2024 par Ian Saunders, Secrétaire général de l’Organisation mondiale des douanes (OMD), nous avons eu le plaisir de nous entretenir avec Gael Grooby, Directrice par intérim de la Direction Affaires tarifaires et commerciales de l’OMD. Le parcours de Gael au sein des douanes est un récit captivant, empreint de détermination et d’ingéniosité et ponctué de hasards, comme le fait d’entamer sa carrière pour l’amour des chiens et de devoir faire face, ensuite, à la réalité de la tâche décourageante des maîtres-chiens. Réfléchissant à sa carrière, elle brosse un tableau des difficultés qu’elle a rencontrées et des succès qu’elle a remportés lorsqu’il s’agit de concilier une vie professionnelle exigeante et des responsabilités personnelles, en particulier en tant que femme dans un domaine traditionnellement dominé par les hommes. Dans cet entretien éclairant, elle revient sur sa carrière, réfléchit au rôle des femmes dans les douanes et donne des conseils à celles qui souhaitent emprunter des voies similaires.

Intervieweur : Pouvez-vous nous parler de votre carrière aux douanes et nous dire comment tout a commencé ?

Gael : Bien sûr. Mon parcours aux douanes a été tout à fait inattendu. Mère célibataire et étudiante à temps partiel en informatique, je cherchais un emploi stable pour subvenir aux besoins de ma fille. J’ai passé l’examen de la fonction publique, ce qui m’a conduite aux douanes. Au début, j’étais très enthousiaste, car je pensais pouvoir travailler avec les chiens des douanes, mais j’ai vite réalisé que les mignons petits beagles relevaient du service de la quarantaine et que mes petites jambes trop lentes ne courraient jamais assez vite pour passer l’examen physique permettant de travailler avec nos magnifiques chiens de détection ! J’ai donc commencé par le contrôle postal et j’ai adoré ce travail. Au fil des ans, je me suis déplacée, devenant une experte locale dans divers domaines. Lorsque ma fille a grandi, j’ai décidé de me spécialiser dans les tarifs, et six mois après le début de ma spécialisation, je suis passée du bureau régional au bureau central, ce qui m’a permis de progresser considérablement dans ma carrière, notamment jusqu’au poste de directrice adjointe de la politique tarifaire et de la nomenclature en Australie et, enfin, dans mon rôle à l’OMD.

Intervieweur : Comment avez-vous grimpé les échelons ?

Gael : Les deux premiers échelons ont été les plus difficiles ; j’ai dû y croire suffisamment pour postuler des emplois supérieurs et déménager pour mon travail. Ensuite, cela s’est simplifié. J’ai eu la chance de trouver des occasions qui correspondaient à ma spécialisation dans les tarifs, qui en découragent beaucoup. Cette spécialisation m’a permis de progresser dans ma carrière. J’étais dans un domaine que beaucoup considéraient comme difficile ou ésotérique et j’avais donc relativement moins de concurrence. Il est parfois plus facile d’être un gros poisson dans un petit étang.

Intervieweur : En tant que femme et mère, avez-vous rencontré plus de difficultés dans votre carrière ?

Gael : C’est une question intéressante. Être mère complique certainement le parcours professionnel, quel qu’il soit. J’ai choisi de ne pas mettre l’accent sur ma carrière lorsque ma fille était en bas âge, une décision que je ne regrette pas. Concilier un jeune enfant et une carrière exigeante, c’est difficile. Certaines femmes y arrivent très bien, mais je me connaissais assez pour savoir que je m’épuiserais à essayer d’exceller des deux côtés. Toutefois, j’ai toujours trouvé le travail aux douanes fascinant et je pense que le fait d’être mère m’a permis d’apporter beaucoup de compétences et de connaissances supplémentaires. Alors oui, c’est plus difficile pour les femmes, car les douanes sont traditionnellement dominées par les hommes et les vieilles attitudes ont la vie dure, mais je crois qu’il faut changer ces environnements de l’intérieur en encourageant davantage de femmes à s’engager et à faire entendre leur voix. J’aime les douanes, car elles offrent un large éventail de domaines à explorer et, malgré les difficultés, les femmes peuvent y exceller.

Intervieweur : Quel a été le moment fort de votre carrière ?

Gael : C’est une question difficile. Mais je pense que c’est lorsque j’ai réalisé que je pouvais changer les choses à l’échelle mondiale grâce à mon travail sur deux propositions majeures pour le SH 2022. Ces propositions ont été faites alors que j’étais encore déléguée et elles ont changé mon point de vue et mes ambitions, ce qui m’a amené à vouloir contribuer plus sensiblement à l’OMD.

Intervieweur : Avez-vous des conseils à donner aux femmes qui souhaitent occuper des postes de haut niveau ?

Gael : Mon conseil serait le suivant : écoutez les conseils, mais ne les suivez pas aveuglément. Ce qui fonctionne pour quelqu’un ne fonctionnera pas forcément pour vous. Utilisez plutôt les conseils pour tracer votre propre chemin, en vous rappelant que vous écrivez votre avenir dans le moment présent. Certes, vous construisez sur la base de votre passé, mais chaque moment présent est une occasion de changer de cap. La sagesse des autres peut être très précieuse, mais vous devez absolument tracer votre propre voie en fonction de vos expériences et de vos aspirations.

Intervieweur : Que diriez-vous aux femmes qui envisagent une carrière dans les douanes ?

Gael : Les douanes sont incroyablement variées et s’accompagnent de défis et d’occasions uniques. J’encourage les femmes à explorer différentes fonctions au sein des douanes pour trouver leur voie, en particulier au début de leur carrière. Ce secteur offre la possibilité d’avoir un impact réel, et la diversité des tâches est source d’une grande satisfaction.

Intervieweur : Quelles difficultés les femmes rencontrent-elles au niveau opérationnel ?

Gael : Cela dépend de l’administration, car les obstacles et les occasions varient d’une organisation à l’autre. Toutefois, même si les domaines opérationnels sont encore largement dominés par les hommes, les femmes peuvent faire la différence en restant fidèles à elles‑mêmes. Tant que vous traitez vos collègues avec respect et que vous restez professionnelle, n’ayez pas peur d’être vous-même et d’être différente.

Comme je l’ai dit, faites preuve de souplesse et explorez différents domaines. Ce qui fait le plus peur à certaines femmes que j’ai rencontrées, c’est de s’essayer à la lutte contre la fraude. Mais une femme est aussi capable d’enfoncer des portes et de chercher de la drogue. En outre, les femmes apportent des atouts et des points de vue uniques, d’une valeur inestimable dans les rôles opérationnels. Leur attitude peut également faire baisser l’agressivité dans une situation conflictuelle à forte charge émotionnelle. Je ne dis pas que cela fonctionne à tous les coups, ni que toutes les femmes possèdent ces compétences, mais la plupart d’entre elles ont subi, au cours de leur vie, davantage de menaces physiques et de situations d’inégalité de pouvoir, ce qui a renforcé leur capacité à comprendre les gens et à lire les signaux non verbaux, sorte de technique de survie. Personnellement, je trouve plus facile de gérer une situation de conflit en baissant la voix, puisque l’interlocuteur doit aussi baisser la voix pour m’entendre, ce qui permet de désamorcer la situation.

Intervieweur : Comment pouvons-nous valoriser les femmes dans les douanes ?

Gael : Pour commencer, il faut traiter le personnel avec respect et valoriser les qualités de chacune et de chacun. Il est essentiel de favoriser l’inclusion et la diversité pour donner aux femmes et à tous les agents des douanes les moyens d’agir. Les administrations devraient donc régulièrement réfléchir à la manière dont elles traitent leur personnel, et corriger le tir si nécessaire.