Entretien avec Sandra Aparecida Magnavita Castro : Passion, persévérance et changement positif dans la Douane brésilienne

La série de l'OMD sur les femmes faisant carrière en douane met en lumière les expériences de femmes qui contribuent à façonner l'avenir des douanes à travers leur dévouement et leur leadership. Ce mois-ci, nous nous sommes entretenus avec l'une des personnalités les plus remarquables de la Douane brésilienne, Sandra Aparecida Magnavita Castro, dont la carrière est marquée par la résilience, un sens du leadership transformateur et une passion pour le changement social. Des défis qu'elle a dû surmonter dans son enfance à la direction de projets importants tels que le nouveau projet d'exportation basé sur le système de guichet unique, le parcours de Sandra témoigne d'un engagement profond en faveur de l'inclusion et d'un ardent désir de faire bouger les choses. Son histoire nous rappelle que le cheminement personnel de tout professionnel accompli est marqué par une volonté d'apprendre et une détermination sans faille.

OMD : Sandra, votre carrière est parsemée de tournants intéressants. Comment vous êtes-vous retrouvée en douane ? Est-ce quelque chose que vous avez toujours voulu faire ?

Sandra Aparecida Magnavita Castro : Non, pas du tout. En fait, j'ai commencé ma carrière en tant qu'ingénieure civile, mais, en 1994, le Brésil a traversé une crise économique qui m'a amenée à reconsidérer mes choix. Mon père, qui était fonctionnaire, m'a alors encouragée à opter pour une carrière dans le secteur public. L'examen d'entrée à la Receita Federal - l'administration fiscale brésilienne - était assez difficile, et j'ai donc passé un an à me préparer en étudiant le droit, la comptabilité et d'autres matières. Quand j'ai réussi l'examen en 1996, j'étais aux anges, mais je ne connaissais pas grand-chose aux douanes à l'époque et il n'est donc pas étonnant que mon premier emploi à la Receita Federal ait suivi une sorte de courbe d'apprentissage qui tenait de la pente raide !

J'ai commencé ma carrière à l'aéroport international de Rio de Janeiro, le deuxième aéroport le plus fréquenté du Brésil, où je travaillais dans les opérations d'exportation. C'est là que j'ai eu le coup de foudre pour ce domaine. Le monde des douanes est dynamique, en constante évolution - les jours se suivent et ne se ressemblent pas. J'étais déterminée à apprendre et à m'améliorer, et cette passion ne m'a jamais quittée. C'est ce qui me fait avancer ; il y a toujours un nouveau défi à relever et ça me plaît beaucoup.

OMD : Vous avez dirigé le projet d'exportation dans le cadre du programme de guichet unique. Pouvez-vous nous en dire plus sur cette expérience ?

Sandra Aparecida Magnavita Castro : Le guichet unique, ou « Portal Único », est l'un des projets les plus ambitieux auxquels j'ai participé. Il a débuté en 2014, quand on m'a demandé de gérer le projet d'exportation, en raison de mon expérience passée dans le domaine des exportations douanières. Nous avons entrepris de simplifier et de rationaliser les procédures douanières dans tout le Brésil, en suivant les principes de simplification, d'harmonisation et de prévisibilité de la Convention de Kyoto révisée, ainsi que les directives énoncées par l'Accord de l'OMC sur la facilitation des échanges.

Au départ, le projet était plutôt modeste, mais il a rapidement dépassé le cadre que nous nous étions donné. Je dirigeais une équipe de 80 personnes et assurais la coordination avec 22 parties prenantes, dont des représentants du secteur privé et de divers ministères. Le projet n'a pas manqué de susciter des conflits ; lorsqu'on doit composer avec autant d'intérêts différents, les désaccords sont inévitables. Mais je croyais au potentiel du projet et cette conviction m'a poussée à aller de l'avant.

Le déclic s'est produit lorsque l'équipe a commencé à se rendre compte que nous ne changions pas seulement les processus de nos propres institutions, mais que nous étions en train de construire quelque chose pour l'ensemble du pays. Le fait d'assister à ce changement d'état d'esprit, de voir tout le monde s'unir pour une cause commune, a été incroyablement gratifiant.

OMD : Diriger une équipe aussi diversifiée a dû comporter son lot de défis, en particulier dans un secteur dominé par les hommes. Comment avez-vous géré cette situation ?

Sandra Aparecida Magnavita Castro : J'ai toujours travaillé dans des milieux dominés par des hommes, d'abord dans l'ingénierie, puis dans les douanes, donc je suppose que j'y étais habituée avant d'arriver ici. Mes études d’ingénieur m'ont certainement aidée à cet égard - elles m'ont préparée à la réalité d'un domaine où les femmes sont souvent minoritaires. Elles m'ont appris à m'affirmer, à prendre la parole et à tenir bon. Je n'ai jamais considéré mon sexe comme un obstacle, mais plutôt comme quelque chose qui va de soi.

Cela dit, j'ai rapidement réalisé que pour être un leader efficace, il ne suffit pas de faire preuve d'assertivité. J'ai dû développer mon intelligence émotionnelle et apprendre à établir des liens plus profonds avec les gens. Le leadership ne consiste pas seulement à donner des instructions mais aussi à écouter, à comprendre et à nouer des relations.

Pour être honnête, je n'ai pas toujours été comme ça. Quand j'étais petite, je portais des bottes orthopédiques à cause d'un problème médical et j'avais un sacré caractère. Si j'étais contrariée, je donnais des coups de pied aux gens avec mes bottes ! (rires) Il m'a fallu du temps pour apprendre à gérer mes émotions et à les canaliser de manière positive. Heureusement, notre organisation propose des formations dans des domaines tels que les compétences interpersonnelles et le management, et j'ai également fait l'effort d'apprendre par moi-même. Je voulais mieux comprendre les gens, non seulement en tant que leader, mais aussi en tant que personne. Ce parcours de développement personnel a été déterminant pour devenir la personne que je suis aujourd'hui.

OMD : Comment avez-vous vécu l'achèvement du projet d'exportation dans le cadre du programme de guichet unique ? Étiez-vous prête à relever un nouveau défi tout de suite après ?

Sandra Aparecida Magnavita Castro : J'ai éprouvé un mélange de soulagement et d'excitation. J'avais vraiment l'impression d'avoir accompli ma mission, mais je n'ai jamais été du genre à rester tranquille trop longtemps. Je savais que j'avais besoin de quelque chose de nouveau pour rester motivée et j'ai donc décidé de m'orienter vers la gestion des risques. La douane est en constante évolution ; c'est l'un des aspects que j'aime le plus, d’ailleurs : il y a toujours un nouveau problème à résoudre ou une nouvelle compétence à acquérir. C’est ce qui me permet de rester motivée et tournée vers l'avenir. Après avoir travaillé dans le domaine des exportations et de la gestion des risques, j'occupe depuis trois ans un poste de cadre à l’Alfândega - au bureau des douanes - de Salvador, où je gère deux ports et un aéroport international à Bahia.

OMD : Parallèlement à votre carrière professionnelle, vous participez activement aux travaux de la commission « Femmes, équité, diversité et inclusion ». Qu'est-ce qui vous a amenée à vous joindre à cette initiative ?

Sandra Aparecida Magnavita Castro : La Commission a été créée en octobre 2023 par la Receita Federal. J'ai été attirée par ce projet car j’ai toujours voulu défendre l'inclusion, non seulement pour les femmes, mais aussi pour les personnes ayant des besoins particuliers. En grandissant, je n'ai jamais considéré que mon handicap physique était un obstacle. Mes parents me traitaient de la même façon que mes frères, alors qu’ils étaient tous deux beaucoup plus grands que moi puisque je mesurais moins d’un mètre quarante ! Cela m'a donné un sens fort de l'identité. Je savais néanmoins que tout le monde n'était pas aussi tolérant, ce qui m'a poussée à vouloir lutter contre les préjugés.

En rejoignant la Commission, j’ai pu accéder à une tribune pour plaider en faveur d'un environnement plus inclusif et pour contribuer à créer une culture où chacun peut atteindre son plein potentiel. Il ne s'agit pas seulement de promouvoir l'égalité entre les hommes et les femmes mais aussi de veiller à ce que chaque personne, quels que soient ses antécédents ou ses capacités, ait la possibilité de s'épanouir.

OMD : Vous dirigez également un projet qui donne une seconde vie aux biens saisis. Pourriez-vous nous en dire plus à ce sujet ?

Sandra Aparecida Magnavita Castro : Cette initiative me tient vraiment à cœur. Dans mes fonctions actuelles de directrice du bureau des douanes de Bahia, j'ai assisté à la destruction de beaucoup de produits de contrefaçon qui avaient été saisis et cela ne me paraissait pas normal, surtout quand on connaît les niveaux de pauvreté au Brésil. J'ai pensé qu'on pouvait faire mieux et je me suis donc investie dans une initiative de la Douane brésilienne qui visait à trouver des possibilités de réutilisation de ces marchandises. Nous nous sommes associés à des universités et à d'autres organisations pour trouver des manières de reconvertir ces articles. Par exemple, les étudiants en mode transforment les vêtements en uniformes pour les écoles ou les équipes sportives. Bien entendu, nous retirons les étiquettes contrefaisantes et autres signes de marque problématiques, et nous travaillons aussi en étroite collaboration avec les représentants des titulaires de droits. Il est très gratifiant de voir que ces articles, qui auraient pu être jetés et détruits, sont utiles à des personnes dans le besoin.

OMD : Votre travail a l'air de vous occuper beaucoup. Comment faites-vous pour vous ressourcer ?

Sandra Aparecida Magnavita Castro : (sourire) Je prends le temps de m'occuper de moi. J’adore travailler avec mes mains, surtout le bois et la peinture. C'est ma façon de me détendre et d'exprimer ma créativité. Mon mari partage cette passion et bien que nous ayons chacun notre propre atelier, nous aimons travailler ensemble. Il est important de trouver un équilibre, surtout lorsque la frénésie du quotidien menace de vous rattraper.

OMD : Vous avez évoqué l'importance de l'équilibre entre votre carrière et votre vie personnelle. Pouvez-vous nous parler de votre famille et du rôle qu'elle a joué dans votre parcours ?

Sandra Aparecida Magnavita Castro : Je suis mariée depuis 27 ans et mon mari a été d'un grand soutien tout au long de ma carrière. Avec tous les déplacements qu'implique ce travail, c'est rassurant de savoir que j'ai quelqu'un qui peut gérer les choses à la maison. J'ai deux voyages prévus en novembre, d’ailleurs, et je sais qu'il s'occupera de tout sans problème pendant mon absence.

Nous n'avons pas d'enfants mais j’ai la chance d’avoir encore mes parents. Ils ont 98 et 91 ans et ils sont très actifs… Parfois même un peu trop ! (rires) Ils me tiennent certainement en haleine et, bien que ce soit parfois difficile, je profite de chaque instant que je passe avec eux.

OMD : Il est évident que le leadership et le changement social sont des choses qui vous tiennent à cœur. Quels conseils donneriez-vous aux jeunes femmes travaillant en douane qui aspirent à occuper des postes de direction ?

Sandra Aparecida Magnavita Castro : N'ayez pas peur de prendre la place qui vous revient et de faire entendre votre voix. Les douanes sont peut-être dominées par les hommes, mais rien ne dit qu'il n'y a pas de place pour les femmes à leur tête. Il est essentiel de développer son intelligence émotionnelle, car elle permet de se rapprocher des gens et de les guider efficacement. J'encourage également les jeunes femmes à rechercher les occasions de suivre des programmes de mentorat. À la Receita Federal, nous travaillons au lancement de ce type de programmes en 2025 pour aider les femmes à se préparer à des postes à responsabilités. En nous soutenant les unes les autres, nous devenons toutes plus fortes.

OMD : Merci beaucoup d'avoir partagé votre expérience avec nous, Sandra. Votre histoire est une véritable source d'inspiration, et ça a été un privilège d'en apprendre davantage sur la personne qui se cache derrière ces réalisations.

Sandra Aparecida Magnavita Castro : Merci. C'est un honneur de partager mon histoire et je suis profondément reconnaissante à l'OMD de m'offrir cette possibilité. La douane n'est pas seulement un travail pour moi, c'est une passion. Si mon expérience peut inspirer d'autres personnes, je suis d’autant plus ravie de la partager.