Programme sur les recettes

Les risques de pertes de recettes auxquels la douane est confrontée dans l’exercice de sa mission sont notamment liés à la contrebande de produits fortement taxés comme l’alcool, le tabac, le carburant et les huiles minérales. Ces risques proviennent également d’activités de fraude commerciale comme la sous-évaluation, le classement incorrect, la fausse déclaration d’origine, les abus en matière de régime préférentiel des droits de douane et la fraude tirant parti du régime du drawback. Pour aider les Membres à  pouvoir gérer ces risques d’une manière structurée et pour leur offrir une plateforme propice à l’échange de points de vue et de bonnes pratiques pour parvenir à cette fin, l’OMD a créé, en 2014, un Groupe de travail sur le respect de la loi et la lutte contre la fraude en matière de recettes (GT-RLFR). Le GT-RLFR tire profit des réussites obtenues par le précédent Groupe de travail sur la fraude commerciale, créé en 2005. Ses attributions sont non seulement l’atténuation des risques de cas de fraude en matière de recettes mais également le contrôle du respect des règles en vigueur par les opérateurs économiques, notamment par le biais du contrôle a posteriori.  

La fraude commerciale

La fraude commerciale en matière douanière ne concerne pas seulement les pays en développement ; les pays développés subissent également les effets néfastes de ce phénomène. Les contrevenants utilisent à leur avantage la moindre faille dans les systèmes de transport et les modèles d’échanges commerciaux multimodaux pour se livrer à différentes opérations frauduleuses ayant des répercussions néfastes non seulement en termes de pertes de recettes pour les États mais aussi sur la compétitivité économique et pour les opérateurs respectueux des règles en vigueur. Par ailleurs, on soupçonne que certains aspects de la fraude commerciale en matière douanière, en particulier la surévaluation, soient liés à du blanchiment d’argent. Ces sorties de capitaux déguisés correspondant à des revenus engendrés par une activité illégale peuvent en effet servir au financement d’autres activités criminelles comme l’achat ou la vente d’armes, le trafic de drogues, la contrebande de produits du tabac, etc.  Il s’agit d’un problème qui préoccupe la douane depuis longtemps, du fait notamment de ses multiples formes et de sa complexité.

Une lutte efficace en matière de prévention et de détection des cas de fraude commerciale requiert de la douane qu’elle adopte une approche stratégique multidimensionnelle, passant notamment par le renforcement de ses capacités et de la coopération à l’échelon international. L’OMD a intégré la lutte contre la fraude commerciale dans le cadre de son Programme sur les recettes. Désireuse de faire partager à ses Membres les bonnes pratiques à suivre dans ce domaine, elle a adopté plusieurs Recommandations spécifiques. En outre, pour répondre à la demande concrète de certains Membres tendant à voir leurs capacités renforcées pour lutter efficacement sur le terrain contre la fraude commerciale, elle a élaboré un certain nombre d’outils techniques et de documents de référence. Plus récemment, elle a mis en place un système de communication sécurisé passant par la plateforme CENcomm, appelé GTEN (Réseau mondial de lutte contre la fraude commerciale). Cette initiative conjointe (entre l’OMD et la Police des frontières d’Australie) a pour finalité d’offrir aux Membres de l’OMD une plateforme de communication sécurisée leur permettant de se communiquer, au sein d’un groupe fermé d’utilisateurs, des informations et documents liés aux activités de lutte contre la fraude commerciale menées sur le terrain à l’échelon national, d’échanger leurs points de vue à ce sujet ainsi que de se faire part de leurs expériences et bonnes pratiques respectives dans ce domaine.

La Police des frontières d’Australie s’est servie de cette plateforme sécurisée dans le cadre de la conduite :

  • de l’Opération Leatherback ciblant les cas de fraude dans le cadre des échanges pétroliers (2017-2018) ;
  • de l’Opération Landlock ciblant des cas de transbordement de produits soumis à des droits antidumping (2019) ;
  • de l’Opération Jubilarian ciblant des cas d’usage abusif de carnets A.T.A. à des fins d’importation de bijoux et/ou de pierres précieuses (2019-2020).

Contrebande de marchandises à haut risque (le tabac, l’alcool, le carburant et les huiles minérales)

Le Programme de l’OMD sur les recettes vise principalement à lutter contre le commerce illicite de produits du tabac, de produits alcoolisés et d’huiles minérales. Les produits de ce type sont généralement fortement taxés par les différents États afin de réduire leur consommation car ils peuvent nuire à la santé et à la sécurité de la population. La contrebande de cigarettes, de produits du tabac, de produits alcoolisés, de carburants et d’huiles minérales continue d’être une problématique mondiale qui facilite les activités transfrontières relevant du crime organisé, a des retombées néfastes sur le recouvrement des recettes et hypothèque la réalisation des objectifs en matière de santé publique. Le Rapport de l’OMD sur les trafics illicites décrit les différentes tendances et évolutions constatées dans le domaine du commerce illicite des produits du tabac et alcoolisés, en soulignant notamment la diversification constante des canaux et itinéraires empruntés par les trafiquants. Les analyses concernant le trafic de carburants et d’huiles minérales ne figurent plus dans les éditions les plus récentes du Rapport, faute de disposer de données suffisantes pour cette catégorie de produits et par manque de contributions reçues. S’agissant du commerce illicite de produits du tabac, les cas de contrebande à grande échelle sont nombreux comme en attestent les plus de 10 millions de cigarettes saisies. L’écoulement de ces énormes quantités de tabac exige la participation de réseaux de distribution organisés dans ce trafic. Les autorités en charge de la lutte contre la fraude au niveau international sont en outre de plus en plus préoccupées par le fait que la contrebande de cigarettes soit exploitée à l’échelle mondiale par des groupes du crime organisé,  qui sont attirés par les énormes profits que génère ce type de trafic et qui pourraient avoir des liens avec des organisations terroristes internationales à la recherche de sources de financement pour leurs activités.

Le trafic de cigarettes de contrefaçon est un autre aspect du problème lié au commerce illicite de produits du tabac.  Les saisies de tabac brut ou de feuilles de tabac, tout comme de fausses vignettes apposées sur les paquets ou emballages, n’ont jamais cessé. Les cigarettes de contrefaçon sont parois déclarées comme cigarettes authentiques à la douane, au bureau d’entrée. Ces cigarettes de contrefaçon sont ainsi introduites sur le marché licite et, même si des droits et taxes sont payés, les trafiquants engrangent des bénéfices considérables puisqu’ils n’ont pas à prévoir de stratagèmes pour dissimuler leurs marchandises et s’évitent dès lors des dépenses supplémentaires.

Étant donné que de nombreux pays sont la cible de la contrebande de produits du tabac et/ou ont sur leur territoire des bases de production de cigarettes illicites, un renforcement de la coopération inter-services à l’échelon tant national qu’international s’impose de toute urgence. L’OMD travaille de concert avec d’autres organisations régionales et internationales compétentes à l’élaboration des meilleures stratégies possible pour lutter efficacement contre cette problématique, stratégies qui passent notamment par la mise en place de projets communs et la conduite d’opérations de terrain conjointes axés sur la lutte contre la fraude en matière douanière et articulés autour d’une approche globale ou régionale répondant aux besoins spécifiques des Membres.

Parmi les initiatives complémentaires mises en œuvre par l’OMD pour lutter contre le commerce illicite et la contrebande de produits du tabac, il y a lieu de relever le lancement de TobaccoNET − un groupe fermé d’utilisateurs, experts du domaine, au sein du Réseau douanier de lutte contre la fraude créé sur la plateforme CENcomm − que le Secrétariat a présenté au Comité de la lutte contre la fraude lors de sa 40ème session en février 2020. Cette initiative a pour finalité d’offrir aux Membres un espace réservé pour s’échanger des informations sur les différentes saisies qu’ils effectuent, pour faire part de leurs bonnes pratiques ainsi que des outils et instruments internationaux disponibles et pour maintenir un dialogue ouvert propice à un examen plus approfondi des questions spécifiques liées au trafic de produits du tabac.

Contrôle a posteriori

Le contrôle a posteriori (CAP) consiste en un audit structuré, effectué après la mainlevée du fret par la douane, des données commerciales pertinentes des opérateurs économiques, de leurs contrats de vente, de leurs dossiers financiers et non financiers, de leur stock physique et d’autres avoirs. La finalité de cet audit est de mesurer et d’améliorer le degré de respect des règles en vigueur par ces opérateurs. Le CAP s’avère être un outil essentiel pour garantir l’efficacité des contrôles douaniers en de très nombreux aspects, notamment en assurant leur conformité avec les dispositions de l’Accord de l’OMC sur l’évaluation en douane. Il participe également à la mise en œuvre d’une stratégie de gestion des risques efficace en permettant à la douane d’évaluer plus facilement le niveau de risque correspondant à chaque opérateur grâce à la mesure de son pourcentage de conformité aux règles en vigueur, et d’affiner l’acuité des futurs contrôles en fonction de ce résultat. La mise en œuvre d’une stratégie de contrôle a posteriori fondée sur l’évaluation des risques permet également aux administrations douanières de parvenir à une meilleure affectation de leurs ressources et de créer des partenariats gagnant-gagnant avec les opérateurs, qui seront incités à tendre volontairement vers un respect complet des règles en vigueur en ce que cela facilitera les procédures de dédouanement et, partant, les échanges.

En 2012, reconnaissant l’importance du CAP en tant qu’outil permettant effectivement de consolider la stratégie de gestion des risques à plusieurs niveaux voulue par la douane, le Conseil de l’OMD a adopté les Directives aux fins du contrôle a posteriori. Ces directives sont un instrument de référence essentiel pour les Membres, en ce qu’elles constituent la première étape indispensable du processus de mise en œuvre d’un système de CAP efficace.